Dans un renversement de perspectives nous pourrions débuter par la fin du sentiment.
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Je sais me rendre aimable aimant. Mais qu’en faire dans une relation ?
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En observant d’autres vies, incompréhensibles, je me dépars de la mienne et de son ordonnancement agréable.
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Ailleurs. Je ne suis ni ne veux. Je me fonds. En tous les cas, j’aspire à cette illusion.
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Qui voudrait nous faire croire que prendre un café en terrasse un mardi après-midi est un acte de résistance ? Et pourtant. Bonheur travers de qui pratique l’oblique.
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Les tâches solaires luisent sur mes revers de main hivernales.
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Après tant d’années que j’aurai passées hors de métropole le retour créera un exotisme à rebours. Un miroir avec tain et entrain.
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C’est peut-être ce que j’aurai le mieux construit dans ma vie. Ces moments de sable, forts comme des châteaux.
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Je cherche cet état entre ancrage et envol. À défaut, je pratique les deux en alternance.
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Si j’avais la sagesse et le vide de lire souvent et d’écrire un peu, ces seuls actes feraient infra à la pensée de Pascal – « Tout le malheur de l’homme vient du fait qu’il ne sache rester dans sa chambre ».
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Je ne veux pas de cette société dont j’aurai du mal à me passer.
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Signes d’attention d’affection de stimulation de reconnaissance. Insignes infimes.
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Une poussette décorée d’un motif de treillis. La prime enfance serait déjà combat.
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Puisque tout se destine à l’effacement autant s’effacer de son vivant.
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Sortie de collège. Il y a plus de trente ans j’étais à leur place et eux étaient déjà indifférents à moi.
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Ne serait-ce qu’une minute, une fois dans nos vies, si nous cessions simultanément de faire semblant ? Mur de lézardements.
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Polo et lunettes noires, carnet et feutre, terrasse recluse de centre ville avec sol y sombra printanier. On pourrait croire à un écrivain sans inspiration. On n’aurait que partiellement tort.
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En écrivant de l’insignifiant j’évite de surcharger un monde déjà saturé.
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Reviendrai-je à Almeria, au Cabo de Gata ? Ces lieux existent-ils en dehors de ma mémoire ?
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Si nous assumions d’être interchangeables. Qui manquerait au monde ?
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De cette ombre d’olivier en pot sur un sol de pavés je crée la plus belle image. Noir dentelé sur gris tavelé.
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Tous ceux qui croient au mythe de l’entrepreneur suractif. Comme si vivre n’était pas déjà suffisamment harassant.
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Alain Delon dans le film Plein soleil. La beauté trop intense se charge d’une part maléfique.
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Jardin public début de printemps. Pigeons et humains se singent à faire la roue.
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Dans ce jardin seulement des jeunes et des vieux. Je suis l’un des rares hybrides, entre deux âges.
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Jouer la comédie n’est qu’une illusion au carré.
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Je vis mes 17 ans pour la trentième année.
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Dans ce jardin passent des étudiants de beaux-arts défringués, leur carton au format raisin sous le bras. Nous portons tous un uniforme.
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Face à trop de beauté on se sent rejeté dans un monde parallèle.
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« Contact visuel » : se dit aussi bien dans le champ de l'espionnage que de la séduction.
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C'est au moment où l'on s'éloigne de la séduction que son magnétisme augmente. Le supposé inaccessible comme attracteur étrange.
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Se poser ou non des questions ? Heureux ceux qui n'ont jamais formulé cette pensée… ?
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« Le ciel est la limite » arbore le barbu tatoué sur l’avant bras. Nous aimons tellement borner notre horizon.
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Par phases j’ai besoin d’être dans la défiance de moi, du monde, des deux.
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Il arrive d’être las de la présence demandée par le monde. La réciproque n’existe pas. Il faudrait au monde une conscience ; et qu’il veuille l’appliquer à notre cas ; soit une chance sur plus de sept milliards.
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J’ai la nette sensation du rôle factice des rôles ; à commencer par le mien.
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J’aime me fondre dans ces pays où d’autres vivent à ma place.
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Le travail comme narcoleptique, miroir, réalisation, malédiction, contrainte, jeu social. En va-t-il de même du travail d’être ?
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« Ô que ma tête éclate,
Ô que j’aille à la terre ».
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Ne rien vouloir, c’est déjà trop demander.
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À 17 ans, je me voyais non écrivain. À 47, non acteur de la vie.
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En passant des heures au café, seul, je travaille à l’avènement d’une société de palabres.
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Il ne s’agit pas tant de fuir que de s’effacer.
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En l’artiste, il y a sa capacité, rare, à produire du génie ; adjuvant à cela, sa façon d’être et de sentir. Je me contente de la seconde partie de l’énoncé.
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À quoi pense la feuille nouvelle arrimée à son arbre printanier ? À sa chute dans six mois ?
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Antimémoires de Malraux. Antivoyage de Cerf. Anti manuel d’économie de Maris.
Ma période est aux anti podes.
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L’écriture est une in-action qui me centre et m’ancre.
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J’ai besoin de solitude ; avec pour décor des gens ou un lieu solitaire.
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Chaque génération renouvelle notre inconnaissance.
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L’amour que nous n’avons pas fait avec certaines personnes nous marque durablement. Il ne s’agit pas de rester au seuil du désir, mais de l’explorer autrement que par le corps.
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Renaître en glycine, en martin-pêcheur, à Almeria, au Kerala.
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L’amour d’un souvenir simplifie la vie. C’est son charme ; et sa limite.