Quinze ans après avoir retrouvé le rythme d’étudiant adulte insouciant que je n’avais pas vraiment connu dans mon premier temps. Combien me reste-t-il : vingt-cinq ans peut-être à pouvoir explorer librement et pleinement l’inconnu ailleurs ?
Connaissant chaque boucle, y trouvant toujours une variation infime qui suffit à tramer différemment ce temps, à l’estamper, le sceller, le signer. Dans un non éternel retour. Quand l’hiver m’enfonce dans sa première passe à vide, au long de courts jours intensément gris, me rappelant la Normandie, déplaçant mon esprit vers la route de la soie, les estuaires et deltas, les zones blanches de ma cartographie (seulement un sixième des pays du monde épinglé, l’exhaustivité n’est pas la motivation, même si les chiffres ont leur portée, non, l’essentiel est dans le déplacement, l’effacement temporaire de sa personnalité, toute l’attention portée sur ce qui fait la vie des autres, de leurs paroles à leurs repas, leur attitude en société, leurs cultes, les paysages et les bâtiments, les lumières, la qualité d’un lieu, sa signature).
L’attachement semble impossible, non souhaité en tous les cas.
Mon regard ne recherche pas d’autre regard, ou alors fugacement, dans l’enlacement ; mon regard est sans visée ; un horizon vide, fait de cartes, d’envies, de noms attracteurs (Bekaa, Wadirum, Siam, Bahia, Krakow).
Ce mouvement est quasi sans trace, quelques lignes écrites pour soi, quelques récits de retour avec les amis, les enfants, quelques images mises en album, et surtout, l’écorce marquée, des entailles sereines qui strient jusqu’à la fin la mémoire, qui font l’être, en son fond, peu exposé.
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