La peinture est-elle jamais sans but ? Sans motif autre que sa propre munificence libre, posée sur le blanc tendu du support et ses infimes reliefs ? Le sujet ne fait ni tableau ni roman. Des Esseintes crée des mondes denses sur une base friable, difficile à capter, souvent impalpable. Marquet ou Bonnard, Bronzino et Tiziano, Titus Carmel et Rothko, Kieffer et Manguin, Valtat et Mitchell. Quelques stries, quelques points suffisent à poindre, à inventer un espace profond, inépuisable, d’une très simple matière de vernis, pigments, poils, brosses et châssis. L’orgueil et la maîtrise sont en arrière-plan. L’ingénuité et l’amour des formes-couleurs au premier. Là est le paradoxe : il faut une force sûre pour accepter, et même provoquer, ce retrait. Il faut connaître la puissance des blancs non peints, des touches, de l’aérien, du suggéré. Alors la peinture se manifeste sans le secours des mots. Alors elle nous fait. Nous devenons pendant quelques instants l’air entre les aplats et les rapports de couleur. Un pan artificiel entre dans la roue du réel. Plus naturel que lui, car organisé et pensé sous son apparence gratuite.
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