L’essentiel de ce qui fut jamais produit reste insu, invu, perdu, abîmé. Pourtant, inlassable, le besoin de donner forme revient. La disparition est le dessein de toute forme. Quelle rationalité existe-t-il dans le fait de vouloir à toute force donner forme – et parfois, d’y parvenir ? Renoncer à cela serait plus fou encore, coupant un lien vital. La forme n’appelle pas toujours un sens. Ce surcroît est un peu celui de l’amour au désir. La forme est le libre épanchement d’elle vers elle, de potentielle à réalisée. Elle nous envahit, nous sature, nous laisse en pleine inconnaissance. Dans les temples-villes, elle nous exhausse. Sous le poème, elle nous plaque. La forme est l’instance renouvelée d’un passé sans cesse différé. En cela tient sa beauté : son inutilité théâtrale de tout ; d’une réalité disparue à une réalité appelée à disparaître. Même la plus consistante, la forme porte sa disparition en creux. Deviens, meurs, vis. Que nous le voulions, nous faisons forme. Des années après, la mémoire de qui nous fûmes, de ce que nous fîmes, empreint encore quelques images, quelques mots, quelques lieux. Puis la fin de toute forme liée à notre souvenir rejoint l’informe commune où nous ne prenons place : notre station finale.
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