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un jour

Un jour

prêts

nous sommes

à marcher

vers

un jour d’airelles et de paroles

prêts

à rester

étendus

peints

au pied d’un cadre terreux immense

où s’ancre un rameau argenté

prêts

à vivre

sans ancrage

hors des cages de verre

où éclats rouillures et bris

forment un si beau substrat infertile

prêts

nous sommes

un jour

si insemblable à tous les autres

matin soir midi minuit

là pourtant

dans un creux un pli

passe la lame

de la lucidité

particule élémentaire allumant la diode

d’une chambre d’échos violette et de sa feutrine

ce jour unique

tant de fois vécu :

présent

goût d’offrande

hotel california

avoir un père

Avoir un père

un guide sur ma ligne de crête

qu’il me voie ou non

ce battement du cœur à la montée

en cadence

unis

que nous randonnions ou non

présent

à travers les années

quelle que soit la géographie ou l’éloignement

droit

généreux

juste

de peu de paroles

de chants

d’accords dans ses gestes

ses actes

courageux dans ses adversités franchies

dans la mort évitée

quand plusieurs de ses amis

en montagne

n’ont eu cette chance

présent et confiant

avoir un père

mon père

cap malheureux

à pleine mer

à pleine mer

la jetée

est la réalité imagée

de ce qui ne peut s’atteindre

et pourtant là-bas

au-delà

il y a bien des rives

quel est le sens d’une jetée au-dessus d’une vase ensablée ?

des buissons, des baies

guident nos traverses de vie

un goût de sureau, d’entrecuisses

un temps imagé

le relief d’un carré blanc

sur fond neige

nous avons tous cherché à fixer

l’après-jetée

à nous imaginer

disparus

la marque de notre passage

la persistance de l’ombre humide de nos pas

sur la passerelle en bois

nous avons tous imaginé

persister dans l’après-nous

il serait temps

d’imaginer le halo

de ces cent milliards de marques

passées sous terre

avant nous

quinconces

une fumée

Une fumée s’élève en contre jour d’une cheminée

légère orangée

n’ayant rien d’une fugue de mort

se dissipant dans l’air

deux heures plus tard

sur une plage d’hiver orientée au nord

une grand’ roue émerge

au-dessus de la balustrade d’une jetée

je prends l’image et l’envoie à une amie

« La roue tourne » me répond-elle

je n’avais pas vu ce que je voyais

voir (sans) vivre

vivre (sans) voir

cela aussi s’est dissipé

dans les lever du jour

orangés légers

deux jours avant

des corps sont incinérés au bord d’un fleuve à l’eau cendrée dans lequel en masse s’immergent les pèlerins

préparent-ils leur prochaine vie, sont-ils dans celle-ci ?

nous prions nous parions

caminando d’expérience en expérience

accumulant eau et air senza ceneri nella bocca

la roue tourne

le serpent dragon se mord la queue

les crocodiles ashanti forment le même cercle dissociable

d’année en année

des sillons nous creusent

nous prions nous parions

cherchant une lumière

quand le soleil nous fait face

la roue tourne

O

                                                                                          U                                                      R

                                                                                          O                                                      B

                                                                                          O                                                      U

                                                                                          R                                                      O

S

tempête au comble

si

Si je n’étais pas allongé, je verrais le reflet de la baie dans le miroir d’angle de la chambre. Si je n’étais pas seul, les draps auraient la même forme froissée sur les deux côtés de ce large lit, occupé cette seule nuit passée. Si j’avais informé quiconque de cette escapade d’une journée, je n’aurais pas savouré ce temps de la même façon. S’absenter sans prévenir. Aller là où le corps le réclame. Faire face au vent puis à l’air sans plis, dans la lumière d’automne de la Ville de printemps. Sentir le temps fuiter comme la vanne de dragage hier sur la plage : des tesselles d’eau échevelées, projetées dans l’air joyeuses et sans espérance de vie, absorbées aussitôt à même le sable. La vie s’arrime aussi dans ces temps de retrait volontaire. Prendre le temps d’être dans le temps ; de lire, boire un café face à la lumière coupante du matin, tressé par le vent du large, de revenir à la chambre, de se remettre au lit tout habillé, d’écrire, de savourer sa propre compagnie silencieuse, avec une douce musique de fond électronique. Savourer d’échapper à la localisation. Se sentir vivre en s’étant effacé, temporairement. Partir pour aimer le retour à l’autre vie, la ville. Rien ne manque. Chaque étoile, chaque grain, sont à leur place. Il y a quelque chose d’incontrôlé et d’irrépressible dans cet art de la fugue. Un émouvement que l’on s’offre. Et si personne n’en sait rien, la vie en capte tout. Il y aurait une constellation à dessiner en reliant ces arcs de temps consacrés à soi seul. Une spire se déroulant selon la belle ampleur d’une suite de Fibonacci. La lumière se fait moins jaune : grise métal, comme un tain de miroir. Avant de redevenir métal vif, œuvre au jaune. La lumière tombe par cette suspension, m’ouvre et maintient ce qui, à couvert, doit rester.

passent

Passent un nuage - thorax un lézard - nuage je n’en fais rien et ce rien me fait Traversant lentement le ciel il y eut aussi des filaments comme d’une chevelure je n’en ai rien fait Rien n’était à faire dans ce fait d’être une roue du temps faite de quelques mots sillages du réel les formes s’ajustaient qu’il y eût ou non un observateur je m’étais librement assigné à cette place sous l’ombre portée d’anciens tilleuls de figuiers et d’albizzias d’eux non plus je n’ai rien fait mais ils m’ont façonné statiques et odorants enveloppants et massifs ancrés Quelques phrases simples reçues dans l’après-midi ajustent plus encore ce moment terre à air Plus tard

les oiseaux de nuit se mettront en chasse stridents Plus tard après ce temps où rien n’était à faire hormis peut-être le consigner sous la forme d’un nuage thorax lézard

les bains