Les rues de Toulouse, de son centre entrelacé, à mes vingt ans, m’ouvraient les portes battantes d’un labyrinthe où, d’un court-métrage sauvage tourné dans une manufacture des tabacs désaffectée au stage de photographie en noir et blanc effectué quartier Saint Cyprien pendant la première guerre du Golfe, d’expositions au Château d’eau à l’incrustation nocturne dans des vernissages, de l’ancienne église Saint Pierre des Cuisines en passe de devenir auditorium, d’une circulation solitaire entre deux cours théoriques d’histoire des arts et le suivi fantomatique de quelques silhouettes de jeunes femmes, de la queue de comète surréaliste lue chez un bouquiniste de la rue du Taur aux discussions artistiques et éthiques avec mon futur ex-meilleur ami, tout portait la marque d’un destin possible, d’une gravité, d’une solitude, du deuil – Marie, la grand-mère maternelle, morte en ses soixante dix-sept ans – qui me cerclent en haut de la colline de Terre Cabade, qui me renvoient au long du canal de Brienne sous la masse des platanes, à la jeune danseuse emmenée en promenade au jardin japonais de Compans-Caffarelli, au départ en bus vers la faculté, au-delà du périphérique, aux entrées furtives dans la beauté cachée des cours d’hôtel, rue Magre ou Cantegrill, au grand rond, à l’hôtel d’Assezat en travaux, au clavier peu tempéré des concerts en plein air, début d’été, dans le cloître des Jacobins et à la vue plongeante sur les cuisses de Pascale, parisienne de passage, abordée au Capitole, après le concert, quand cette inconscience m’habitait encore et ne me permit pas de séduire Sylvie, l’aquiline portugaise. Je tourne et retourne à cette construction du passé, posée dans ma mémoire comme le seuil du Bazacle, quand la Garonne chute d’un niveau et forme un trouble beige, brun, blanc cassé.
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