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vers Santeg

confession au jardin d'hiver

Le mot est l’ouvroir et la structure : circulation et mise en forme et amplification. Nommer structure, de manière juste et évocatrice, en créant de l’adhésion, en créant un mouvement vers. Pour l’île, les encres sur le sable sont en analogie avec les dessins réalisés les jours précédents. Echo du réel. La représenter passerait par un jeu sur le fait qu’elle est une simili île, si proche du continent. Créer la jonction, l’arc électrique, le pont, à travers les odeurs : liées au continent, l’humus, le boisé, ancré dans la culture maraichère, le fenouil, le potager… Approche décalée pour fabriquer une image sensible, singulière. Faire vivre son identité, par les sens, en la traduisant dans son essence.

creac'h ar bolloc'h

j'ai écrit

J’ai écrit sur Batz – au sens propre et figuré. Elle vit sans ces mots. Quand on y séjourne, il y a une interaction entre les stimulus reçus et ceux provoqués. Les mots agrègent. Pour éviter le flottement. Le plus beau de Batz n’est pas dans l’île à mes yeux ; c’est le chaos rocheux du chenal, entre elle et le continent (Santeg) ; c’est extérieur, c’est un passage, qui s’apprécie depuis l’île. Sa couleur marquante est un mauve (haute tension du vent) et un jaune soleil (couleur absente, d’autant plus puissante quand elle apparaît), elle n’est pas d’une dominante en gris bleu vert.

enez Vaz

l'heure des choix

L’heure des choix. L’heure du non sortir de l’hôtel, du non traverser de la baie pleine de haute mer tendue de vert (pors Kernoc). L’heure du contre-jour orienté vers le continent si proche, au sud. L’heure de la navette. Le vent est de toute heure. Ouest Est, Est Ouest. L’heure du sable tamisé en l’air s’infiltrant et heurtant la peau. L’heure de non choisir rien d’ultime. Pors er gored, pors gwenn : le bain de Vénus est tendu de blocs ; délicatesse de ces tonnes de landes empierrées. Sur les rochers de Santeg se dressent des chevaux de frise. L’heure du vert dans l’étau des gris. Jamais les plantes exotiques ne se posent. Le vent se plaque sur tout obstacle, en pesanteur. Pors leien. Un vert tiré au blanc. Vidé du vert jusque vers l’air : l’aplomb. Brûlé le cul-de-four du ciel. Et grand blanc en fond. L’heure d’un gris-vert blanc dans la baie. Poul zarab, pors en Iliz : parties de l’île encore inexplorées. L’heure du non sortir après la matinée drossés face au vent.

Enez Vaz — île de Batz

les herbes folles

je m'apprête

Je m’apprête à faire basculer le un monde. J’y pense dans le fond sonore du Citizen café, entre deux frappés métalliques du percolateur de la machine et les boucles d’ambiance diffusées par l’ordinateur. Les magazines m’aident à voir ma matière nouvelle : mouvement automatique, quantième perpétuel, réserve de marche, retour en vol, guillochage et anglage. Je circule différemment dans les allées d’un grand magasin. La trotteuse tourne en silence sous les vitrines en écho aux jambes des passantes. La fin de ce monde logique, je la vois belle et irréversible. Tel un paysage de temps. Dans lequel enfin elle m’aborderait. Avec sa part de moka d’Éthiopie le nouveau café de l’enseigne est devenu trop suave. Et je vois autant de non échos. Comment précipiter la fin de ce monde ancien ? Comment rester passif face à l’hypothèse d’un désir féminin qui viendrait me harponner ? J’ai l’image d’un double diffuseur inversé. Par l’un sort de plus en plus d’informations sensibles qui forment un pollen blanc ; par l’autre le parfum de vulve s’éloigne en un beau travelling à la musique soignée comme une lumière. Ainsi je me vois avancer tandis que la serveuse et son mari établissent les menus bagel du jour. Je ne sais qu’une chose de ce monde à venir. Je l’ai en bouche : je l’aspire comme une figue noire qui dégorge car cueillie trop tard. Les objets fondent à vue d’œil à mesure que je vois la panna se mêler à l’amazone noir de mon café. La saveur à venir de ce monde est faite d’une eau de décembre, d’un samedi d’avant Noël. Elle porte le contraste d’une ancienne piscine Art Déco cannelée mosaïquée tissée de nids en bois de plusieurs mètres de haut. Le bois fait oublier le goût de la figue et la musique du Mépris, clap de fin et de début. Le gout de fin de monde je le travaille à l’estacade de Batz, aux Herbes folles. Là et sur le sentier côtier interdit aux cycles mais exposé à ceux de la Manche. Le goût du très peu d’objets et du confort procuré par une flamme derrière une volière. J’aimerais traverser une fois le goût du désir. J’en connais le duvet et la mouillerie. J’en ignore la couleur. Un blanc satiné de noir. Le cou d’un cygne. La gigue d’un chevreuil sanglier. Je vais m’approcher du tunnel de mer sous un tapis de salicorne. Voilà le vacillement ; faire peu, ouvrir d’autant par des mots des colliers de sons et retirer ainsi les pensées depuis A. B. / 17. 13, Daumal ou Prevel. Là j’ai vu des cuisses. Dans le dénuement confiné de l’île séparée de Roscoff par une jambe de mer. Je vois des cuisses sans visage. Un ventre de mère sans plis. Je vois ne touche pas. Je fais trembler mon monde ancien d’expérience, d’entrecuisse. Je laisse rouler le cerceau de mes images mentales. L’idée de cette île dénudée m’emplit d’un fort coefficient. La main me guide dans et sur le blanc. Je descends vers elle mais ce n’est qu’une convention spatiale selon la position du regardeur. Je pourrais tout autant remonter la sente du goût jusqu’à toucher la feuille de noisetier. Le thermique de l’île m’aspire. J’en perds le sol et l’horizon. Tout se replie dans un coffret de vent. J’en reviens à la  première expérience. Elle n’avait pas goût de châtaigne ou toucher de bogue. Je plisse la mémoire jusqu’à lui faire toucher sens. La peau est en vue.

sant mikel

graphomanie d'avent

(genèse du poème)

Je ne sais où je suis dans le poème. Je me trouve dans un labyrinthe ouvert, dont la seule cloison est un fil. Et c’est cette lame sans matière qui d’abord m’a traversé, et m’a poussé à la dévider. Je ne connais ni l’origine ni la fin de ce fil ténu. Je sens que je dois le remonter, en acceptant que très vite le boyau se referme, soit obscur, reste dans sa glaise. Je suis l’explorateur transcripteur d’un territoire qui ne s’ouvre qu’une fois, comme une faille, et qui se refermera une fois le poème clos. L’occasion est unique. Elle est terrestre, ancrée, dense. Elle n’est ni rêve ni matérialité, elle est ces mondes réunis, plus du langage incarné. C’est une expérience du réel mais assemblé de façon singulière. Les éléments en sont connus (sensations, mémoires, connivences, temps, langue) ; la production est irréductible. La poésie dit-voile. Car certains voiles révèlent mieux que la lumière logique.

La terre a poussé

La terre a poussé et le long des andains ce sont nos veines qui ont fini par être ouvertes. Sans pétrole ni électricité nos voilà avec nos moignons de glaise. Nous retournons les marnes à la recherche du blanc et pur ver. Les fruits sont à terre. Nous n’avons plus d’animaux à y conduire. Une voix et des accords disparaissent dans une boucle du fleuve. Alors nous regardons la force des papillons. Nous oublions les villes dans les colonies de champignons arboricoles. Nous repensons aux tableaux, à leur noir intense de trompette de la mort quand bien même ils figuraient des vitriols d’œillet. Et le soleil décline avec ses filets sans pêche. Nous retrouvons la taille des pieux – les polymères ne font pas silex. Nos dents réapprennent le tranchant sur des viandes crues encore tièdes de la bête vivante. Nous ne voyons pas de bravoure dans l’exode des rêves. La sauge et le pissenlit font le lit de nos palais. Certains parlent des voyages qu’ils ont connus. L’horizon tient dans un chou, puis un oignon. Nous pelons. Nous entrons dans ce boyau sous terre. Nous retrouvons nos mains gravées soufflées. Cela sent la graisse en feu. Les ombres s’animent et c’est la vie.

guerriers sans armes

guerriers sans armes

nous devions

devenir

fabriquer des règles

(sues ? partagées ?)

la marque mâle étant coupée

nous circulions sans axe

en roue du temps

contraints

nous venions allions

jetant les dais sur nos peaux retournées

la marque femme étant voilée

nous cherchions des figures

des totems

nulle augure dans un sang d’orgeat

nous étions intimés

de nous atteindre

en ayant traversé l’eau des métaux lourds

la chair de nos chairs

l’épaule luxée de l’évidence

si nous renonçons

c’est sans déflagration

d’un kapo dans notre nuque

nous nous asseyons

sous les arganiers

entourés de chèvres creuses

nourries d’épineux

nous devenons sol

poids

à la saison

nos membres tombent

l’air nous fixe en gouttelettes

nous faisant océan

sans nombre

vagues vagues

propagés