La nostalgie se prête à l’écriture. Le futur, pris dans ses filets jetés au nord, implique d’imaginer. La fiction, à lire, est plaisir, mais à produire, je m’y suis toujours heurté. Poésie ou introspection, la recherche est celle d’une réalité transcrite sans médiation. Par un biais que l’on oublie et qui nous percute au mur de la mer, lâchés à sa verticale, à des centaines de mètre au-dessus d’elle, le granulat de l’eau qui vous traverse, vous éparpille. C’est cette réalité que je cherche à provoquer.
« Beaucoup de mes amis sont venus des nuages, avec soleil et pluie comme simples bagages. Ils ont fait la saison des amitiés sincères, la plus belle saison des quatre de la terre. Ils ont cette douceur des plus beaux paysages, et la fidélité des oiseaux de passage. Dans leur cœur est gravée une infinie tendresse, mais parfois dans leurs yeux se glisse, la tristesse. Alors, ils viennent se chauffer, chez moi, et toi, aussi, tu viendras. Tu pourras repartir au fin fond des nuages, et de nouveau sourire à bien d’autres visages, donner autour de toi un peu de ta tendresse, lorsqu’un autre voudra te cacher sa tristesse. Comme l’on ne sait pas ce que la vie nous donne, il se peut qu’à mon tour je ne sois plus personne. S’il me reste un ami qui vraiment me comprenne, j’oublierai à la fois mes larmes et mes peines. Alors, peut-être, je viendrai, chez toi, chauffer, mon cœur, à ton bois ».
Par son visage altier, délicat, symétrique, dessiné, sa voix feutrée et hardie, sa taille élancée, le temps de l’amour naît de suite au contact de cette femme qui paraît effarouchée et porte sa force dans un filet de voix, sa détermination mélancolique dans ses mots justes. C’est être amoureux d’une image d’archive en noir et blanc, si présente à ce présent. C’est le souffle de la mer et la plage qui attend, le premier bonheur du jour, sur la branche du figuier. Le dernier bonheur du jour, c’est la lampe qui s’éteint. On est bien peu de chose, mais en aimant un fantôme on laisse ouverts les possibles, on écarte les entailles, jusqu’à la plus profonde. There’s someone like me feeling a pain in the heart, susurré d’une voix jumelle à celle de Nico, autre icône de ces années. Two Venus in furs, on a Sunday morning. Cette frêle femme porte mes projections, en action de grâce. D’une telle élégance naturelle, en apparence. D’une sensibilité qui génère d’autant plus de sensualité par sa retenue. Ainsi elle va, en retrait. Elle donne accroire que le plus bel amour est celui qui n’a pu débuter. Ainsi, on la porte en bandoulière, sa vie durant, comme une pierre magnétique au ras du cou. Quand je me tourne vers mes souvenirs, je revois la maison où j’ai grandi. C’est dans le sillon des imperfections que l’on aime, encoche après encoche. Les peaux nous marquent à mesure que la notre se marque. Elle donnait à voir l’œuvre au blanc, le paradoxe de la jeunesse sans marque de surface et de la densité de qui a souffert. Je t’aimais trop, j’aimais trop ton visage. L’amour s’achève, je ne sais pas mentir. J’ai mal de ton chagrin. Voilà, je regarde les autres, pourtant, je ne leur trouve rien, c’est comme ça. Et toi, que fais-tu ? Oh pourquoi est-ce important que j’aime, que j’aime, que j’aime. Oh pourquoi ne puis-je pas te dire je t’aime, je t’aime, je t’aime. Voilà, je m’en retourne aux autres, qui m’aiment et que je n’aime pas, c’est comme ça. Et toi, vas retrouver cet autre. C’est comme ça, voilà. On n’a rien, rien de plus à se dire. C’est encore toi que j’aime, que j’aime, que j’aime.