La
ville est ce collage. On la gagne pour cela, les frôlements, l’odeur des
tempuras à vingt-heures au comptoir du Naoko, un mojito de minuit lapé sous des
photographies de vieux en noir et noir, fumeurs de cigare sans fumée. On la
respire dans nos galeries de portraits droits dans leurs trajectoires closes
- de fils blancs aux oreilles et d’écrans en mains, de halls de gare en
couloirs souterrains -, fiers semblables du défilé. L’envie du conflit
revient ; plutôt, l’envie de s’imaginer en conflit, puisque le temps de
guerre imaginaire est celui des actes pris à la racine, de retourner l’arme
contre son camp, de refuser la saison et son alternance, de revoir en pensée
nos quelques temps vécus. Retour à la ville, calmée, toute rue portant des
tâches de mélancolie, nostalgie, ingénuité, fuite en arrière, des éclats de
langues inconnues, des sentiments greffés que la ville rejette pour laisser la
scène ouverte et rejouée, toujours. La ville donne à voir ce que nous manquons,
à vivre ce dont nous manquons. Amour, reconnaissance, sécurité. Une victoire dans
un match de football et quelques mâles se drapent du drapeau d’origine. La
ville nous fait indistingués et fiers de sortir les racines du coffre. La ville
dit rassembler. La lecture d’Arbres d’hiver
se fait solitaire au comptoir entre cacahuètes, mauvais vins du Languedoc, faciès
asymétriques qui échappent à l’emprise des images en 4x3, face à des mosaïques
hors d’âge, dans la chaleur d’une caverne urbaine. La ville clignote de lettrines
fards. La neige rappelle à l’ordre parfois. La met sous chape, fixe. Le
mouvement revient déjà, les mêmes lignes aveugles accélèrent. Le mouvement ne
tient que par lui-même. Nos collages font la ville.