La contribution du poète Patrick Hutchinson.
STATION FRACTALE XXVIII
(Apocryphes et
Postscripta)
I.
Vent d’automne, pluie fine
Sur le relief des années, du cœur
Le
chant de Han Chan, Autumn Wind
A new-old Domna, new days, new ways
Et puisque Mon Cousin, Mon Colibri et sa grâce
nous
accompagnent,
Nous reprendrons la route du vent, de la
pluie Toi, qui a failli être
Pour
de nouveaux rendez-vous avec le destin
ma Blanche
de Cazalis
à l’implacable
rigueur
En mâchonnant le fenouil, la badiane
des bords de
chemin,
Et en buvant l’absinthe de la route
inverse
- Alors que le poème seul nous autorise,
nous guide et
nous soutient,
Alors que des nouvelles de désordre
nous parviennent
des frontières de
l’Empire
(Alors que moi, fonctionnaire infime, cramponné
aux devoirs d’un
poste obscur,
Je sens presque partout l’imperceptible
craquement,
je sais que la terre a
tremblé)
Alors que de nouvelles lignes, pour de
nouveaux partages
Dessinent des cartes encore
insoupçonnées,
Vieux déjà, je reprendrai la route des
cimes,
j’emprunterai le
chemin des exclus,
des transfuges,
pour l’improbable pari,
Puisque seule la poésie tient les fils du
devenir en lige
et seule sait les
démêler,
Le poème seul connaît le dessous des
cartes, le registre
des changements
Et que la musique savante manque et
manquera toujours
à notre désir
V
Aix, je veux à nouveau habiter l’errance
du poème,
Le nomadisme des écritures, l’errance du
désir
Dans la limpidité de l’air des jours de
l’automne
Où les femmes n’auront jamais été aussi
belles,
Romancières d’elles-mêmes, immortelles
images,
- L’art et la technologie du Semblant
Leur permettant toujours mieux d’étendre
Leurs salutaires ravages -
Les couples aussi sont magnifiques et la
géopolitique
est à réinventer
A réinventer ou à abolir
Tandis que les puissances centrales
essaient de manoeuvrer
pour tirer leur épingle
du jeu
Face au nouveau chaos où elles-mêmes se
sont précipitées
Et que la valeur marchande trône seule,
en vrai absolu,
dotée d’ubiquité,
d’immortalité,
d’omniscience
Tandis que nous autres, nous languissons
dans les rets
de cette sacro-sainte
trinité :
nation, marché, État
Perpétuels prisonniers de cette
forme-pouvoir
des classes politiques
modernes
(Et la suite des servitudes et des
marchandages).
Pendant ce temps dans le Soir court la
cavale
court-vêtue de
l’automne _
La toujours-jaillissante,
adorablement-deçevante-
et-indécente,
Perpétuellement-effervescente-renaissante,
jeune vague -
Et je ne sais pas jusqu'à quand va
pouvoir perdurer
cette dynastie de fin
de règne
-
Moi, Simplicius Simplissimus, infime
fonctionnaire
sur les Marches d’un fictif Empire ! -
Ni cette lente évolution des hanches des
femmes
dans l’incroyable
douceur,
la bénédiction de
l’automne !
Où elles n’ont jamais été aussi belles
(aussi nombreuses
à pouvoir l’être en tout cas)
Telles une rieuse déferlante - tiens, en
ce moment même
à Beijing, aux Émirats
ou ici même à
Aix-en-Provence
Où à nouveau elles évoluent avec dans leur démarche
toute la magie des planétes
Comme au temps d’Ajanta, de Bhartrihari -
Telles, par exemple, C. Deneuve remontant
de la plage
dans Hôtel des Amériques,
Et telles qu’elles n’ont peut-être été
qu’aux temps
de chute, d’instabilité, de transition
- Une époque d’eidolon, où effectivement n’importe quelle fille
que l’on croise dans
la rue
Est désormais plus belle que toutes les stars de l’écran ! -
Aix, tu redeviens pour moi ce lieu
virtuel, capitale occulte,
clandestine, à peine
existante
Qui connaît depuis longtemps déjà le jeu
démiurgique des
Puissances Depuis toujours notre lutte à nous n’aura été que pour
_ Entre Toulouse et Barcelone,
Angevins la polyphonie, la complexification
et Saint
Empire ! la compénétration, la
multiplicité, l’enchevêtrement
Où la fiction du bonheur est toujours
possible l’inextricable des pouvoirs.
A condition de se distancier un peu des
bonheurs
de la fiction du
pouvoir -
Les peuples heureux étant ceux qui n’ont
guère d’Histoire,
mais se jouent en
abîme
Et en sous-main du jeu mortifère des
Puissants
Et défont les désirs de fiction par les fictions du désir Depuis
toujours, nous étions
- raison de plus
porteurs d’un autre rêve,
contrebandiers
Pour retrouver en soi-même le point de
retournement, d’une autre étoile !
Développer la dérive du poème à la place
du délire
national-identitaire,
La réalité étant ce « cliché
dont on n’échappe
que par la
métaphore » Merci Edgar Morin
Ne convient-il pas de ré instituer ici
même une culture savante
- mais savoureuse ! - de l’Hystérie,
cette passion de l’Un
Pour mieux contre-subvertir la perversion
institutionnelle ?
Aix, tu es toujours pour moi ce cœur
caché d’une utopie
encore et toujours à inventer,
Hapax
d’une Europe à laquelle
l’Histoire passerait les plats
pour une deuxième
fois,
- Forme-utopie d’une identité complexe,
hybride, multiple,
à arracher d’urgence à la déconfiture
des États -
Aix, ce soir, tu m’as comme un passé
d’avance !