Passe à contrejour un voilier en silence sans voiles partant vers le large. Il comprend que sa vie au terme aura la forme de ce défilé où la matière rigide de la coque glisse sur la surface et va vers sa réalité sans bien savoir en quoi elle consiste. Il a dormi en plein air sur la plage entrecoupé de la lune braquée aveuglante toute la nuit sans nuages et par le bruit montant menaçant de la marée. Son sac de couchage est recouvert d’une pellicule d’eau déposée par l’humidité nocturne. Il a dormi entrecoupé du passage d’adolescents jouant braillant de nuit entre estuaire et océan, Sainte Marguerite, Loire-Atlantique. La veille l’écrivain Robert Coover et ses traducteurs parlèrent polar, ville mythique (New London), femme motif d’une bataille entre ses deux amants yakusas à coups de tatouages insultants sur son corps, le tout dans une ancienne chapelle passée aux cultes littéraires (le tu gagnant le roman pas de raison que le il ne serve en poésie). Lendemain, petit matin. Sur la baie vaste des bandes s’étalent du sable au ciel - or noir laqué. Il est mat du soleil pris hier – oui, par les mots, on peut prendre le soleil –, pas lavé ni rasé et dans un rade matinal du Pouliguen, le seul ouvert à six heures et demie quand il cherchait où s’attabler pour accompagner son pain aux raisins d’un petit noir serré, il fut entouré d’habitués qui le saluèrent et lui serrèrent la main comme s’il fréquentait ce lieu depuis un temps oublié. Deux avinés mâle et femelle y achevaient leur virée. Le poème a son histoire qui peut se faire histoire. Elle a passé la nuit à enterrer la vie de jeune fille d’une de ses amies – la belle expression sinistre, enterre ta vie jeune fille car en te mariant, tu dis adieu à la vie -. À l’opposé du levant La Baule sombre a des airs de Daytona Beach et de Rio imaginaires, blocs de béton sur sable fin. La jeune future grande bourgeoisie rentre tard, satisfaite peut-être d’avoir repéré à la lumière des spots celles appelées à perpétuer la consanguinité de l’espèce. Elle, est, trop loin. Un méthanier coupe la ligne d’horizon et c’est plus poétique à ses yeux que si un voilier l’avait fait. Des mots de sable, des bains de texte, le vent des crânes frères ouverts, la frime et la nuit, le dérisoire, les petites vanités sous un clair de lune qui, s’il était décrit, ferait cliché, mais là il est vu. C’est une mosaïque. Cave canem. Hier plage bondée, ce matin quatorze degrés un seul promeneur posé métaphysiquement face à la platitude d’un océan jamais lassant. Il sait, pour y avoir déjà circulé, que quelques kilomètres plus au nord est une côte sauvage. Mais, elle absente depuis huit jours, il préfère rester confiné au calme de cette baie, y sentant l’enserrage fabuleux de ses bras appelés douceur. Dans quelques heures, il sera temps de repartir.
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