Je
pensais que la résolution de mon énigme – si tant est qu’il en existait
une – passerait par une longue descente intérieure focalisée. C’est ainsi
que je l’exprimais à Jacky Chriqui cet après-midi de juillet ensoleillée à
l’ombre de la place des Carmes, à Rouen. Lui m’enseignait, par la force
évidente de ses pensées transcrites en mots choisis, que la vie était
l’alliance du désir et du questionnement.
(se) questionner |
désirer |
désirer (se) questionner |
questionner avec désir |
La
conversation se transformait, j’y participais tout en la regardant prendre de
l’ampleur, touchant à un moment de grâce. Je lui expliquais m’être sans doute
accroché à cet axiome : en creusant seul, j’atteindrai le fond de mon
identité, voire, le fond de l’identité. Il me répondit que la recherche des
invariants à travers les musiques du monde n’empêchait pas de vouloir jouer ou
entendre jouer. « Une note ne vit
que reliée aux autres, dans la continuité. En soi elle n’a pas beaucoup
d’intérêts ». J’ai souvent vu ma quête comme une expérience ultime de
retranchement : le rescapé d’un naufrage seul sur une île, l’enfant
sauvage ayant grandi sans langage, mon mythe de l’homme dérivant dans l’espace
vécu entre dix-sept et dix-huit ans. Ses paroles me libérèrent de ces lests sur
le moment. Jacky me donnait à comprendre la nature réelle des relations humaines
(leur identité ?).
Au plan
littéraire, son Tryptique du regardeur
fautographe me faisait penser au Roman
russe d’Emmanuel Carrère, au Secret
de Philippe Grimbert, à la Reine du
silence de Marie Nimier. Ces livres m’ont point. Je les sens nés d’un
impératif : donner forme à un secret familial et ainsi non seulement s’en
libérer, en partie, mais aussi le rendre partageable. De Un à N : la vie.
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