Certes, mais tout cela ne me dit toujours pas d’où source la passion des relations sociales constatée chez cette jeune femme. Tentons quelques voies d’approche du mystère.
L’atavisme ? Une piste solide, selon Fanny. Mère pied noir d’origine italienne, ça semble tenir la route en effet. Avec, dans l’enfance et l’adolescence, des fêtes de famille qui réunissent jusqu’à 70 personnes.
La joie de faire plaisir aux autres ? « Quand on réunit des personnes dans une fête ou une soirée, il y a une vraie gratification à leur faire vivre un bon moment », avoue Fanny.
Le monde du travail ? Oui, possible aussi, quand employée chez Carrefour avec d’autres étudiants elle s’essaya à mettre ceux-ci en relation avec son réseau d’amis artistes… Mais là, la mayonnaise ne prend pas, chacun reste dans son pré carré, gad’zarts ou petites mains de la grande distribution… « Les gens ont peur de tenter je crois. Peur
de l’échec. Je pars toujours du principe contraire, que ça va marcher, et qu’ensuite on peaufinera l’existant Et pour que cela fonctionne, il faut vraiment être relié affectivement à ce que l’on lance », dit Folie Fanny…
L’égotisme ? À devenir ainsi une égérie du monde connecté (vous avez dit « always on line » ?), n’y a-t-il pas un risque à devenir une marque parmi les marques ? « Je suis un moteur, pas une affiche. La notoriété est plaisante parce qu’elle récompense mon travail. De là à basculer dans la médiatisation et à devenir connue juste pour soi, cela m’attire parfois tout en me faisant peur pour les contraintes associées. Je me dis aussi, parfois, que tout cela va retomber comme un soufflet. Mais à chaque nouvelle soirée entre geeks, ça monte d’un cran. J’ai vraiment envie d’aller jusqu’au bout ».
La peur de la solitude ou de l’inactivité ? Connectée en permanence, Fanny n’a plus le temps ou l’envie d’ouvrir un livre, de regarder la télévision, de rester seule avec ses pensées. Il lui faut ses échanges, le partage en temps réel de ses moments de vie, avec ses sphères d’amis, proches, connaissances, familiers… Ludion en perpétuel mouvement, en phase avec la réclame : « Communiquons plus »… « J’ai besoin d’avoir les neurones en fonction, sinon je m’ennuie très vite ».
Le bonheur de réinventer sa vie ? Je garderais cette dernière option comme la plus valide pour tenter d’expliquer l’attitude de Fanny. « Chaque rencontre m’apporte quelque chose [elle estime en avoir fait 400 ces deux dernières années, dont une vingtaine transformée en relation amicale]. J’ai fait tomber beaucoup d’a priori. Quand en plus on a discuté des heures de technologies par Internet, et qu’on rencontre la personne pour la première fois, on est d’emblée dans une relation spontanée, où l’on ne juge pas l’autre sur son apparence. Sans Internet, je n’aurais jamais pu rencontrer tous ces amis ou connaissances, car entre le travail et son cercle de proches, on tourne toujours en milieu connu ».
Descendre dans le courant et se laisser porter. Créer sa vie. Voir l’unique de chaque moment partagé entre deux ou plusieurs êtres. Voilà, Fanny illustre mes lectures du moment, et donne corps à mon projet de témoigner sur ces personnes charnières, ces « passeurs ». Fanny, organisatrice de liens en série.
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